Celui à qui un champignon avait sauvé la vie.

dimanche 20 mai 2012

Été en chirurgie digestive. Bloc opératoire.

J'assiste à une opération de sigmoïdite. Une inflammation compliquée du gros intestin que l'on nomme colon.
Un patient se trouve là, quelque part sous les champs opératoires.

Je ne l'ai jamais vu, il est arrivé en urgence. Je ne verrais jamais son visage, il ne fait pas partie de mon secteur.

A mon habitude, je tiens les outils pour écarter les tissus et le petit appareil pour aspirer. Je suis assez efficiente à cela, aspirer. C'est tranquille, méticuleux et cela ne demande pas de réfléchir outre mesure. La principale difficulté étant de ne pas marcher sur les plates bandes de l'interne ou du chirurgien, je peux d'ordinaire m'en sortir sans trop de dommages.

Ce patient est une forme de petite énigme. L'imagerie nous dit qu'il souffre bel et bien d'une perforation digestive et qu'il commençait à faire une péritonite, soit une inflammation de toute la cavité abdominale, mais la clinique nous dit que c'est relativement supportable.

Quelques minutes et une ouverture allant du sternum au nombril plus tard, nous voici en vue du morceau de boyaux fauteur de troubles.
"- C'est..."
"- Vous pensez que... Ça à l'air... Je crois..."
"- Infirmière, mon iphone !"


Le chirurgien est tout sourire sous son masque et nous nous regardons à moitié hilares.
Il coupe le morceau incriminé et le pose sur les champs opératoires bleus pour pouvoir l'examiner.
Là, formant ce que l'on appelle une "sigmoïdite perforée-bouchée" se trouve un...Champignon. Un vrai, parisien, tout entier, avec son pied et son petit chapeau. Coupé en deux dans le sens de la longueur, il obstrue le trou, empêchant le contenu intestinal de se déverser là où il ne devrait pas.

Depuis ce jour, je ne regarde plus les champignons de la même façon.
D'une, je connais le secret des mycètes : le fait que nous ne les digérons absolument pas.
Et de deux, ils me rappellent que, parfois, il suffit simplement d'être la bonne personne au bon endroit pour faire la différence, et peu importe, au fond, ce qui nous a mené là.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

j'ai pas le chic pour dénicher les champignons dans les sous-bois, si j'avais su qu'il suffisait d'être chirurgien!

Polymnie a dit…

Je crois que les chirurgiens viscéraux sont en effet ceux qui ramassent le plus d'items improbables lors de leurs missions...

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