Celle dont la cheville en vrac sibilait.

lundi 9 juillet 2012

Urgences - Soins courts
6ème année.


Elle est assise dans son fauteuil roulant, un sourire penaud sur le visage entre deux reniflements.
Sa cheville est méchamment enflée mais elle ne lutte pas tant que ça pour marcher.
L'hésitation diagnostique est faible l'entorse sera, au pire, de gravité moyenne.
Bon gré, mal gré, je fais le bon de radio.
Un sénior m'a appris que, sous sa garde, "toute entorse entrant aux urgences ressortira avec une radio. Même si les recommandations officielles indiquent qu'elle n'est pas nécéssaire".
Pourquoi ? PQTPAN (Procès-Qui-Te-Pends-Au-Nez).

Forte de mon innocence d'apprenti médecin, de mon envie de bien faire et des casiers à dossiers en attente vide, je l'ausculte.
Ils me percutent immédiatement les tympans.
"- Un peu asthmatique, peut-être ?"
Elle affiche un sourire timide et renifle.
"- Oui, ce n'est pas top top dernièrement."
Tu m'étonnes.

Lorsque mon sénior passe vingt minutes plus tard, il réexamine rapidement la jeune fille, ne regarde pas la radio de cheville, confirme mon ordonnance et passe directement... A la radio de thorax. Il se retourne vers moi, le sourcil aérien.
Avec un air semi-coupable mais tout à fait amusé, je lui pointe du doigt le poumon chargé de la radio.
"- Elle ne sonnait pas très très clair. Je ne pouvais pas ne pas regarder."
"- Mmmmmoui."

Il pose deux trois questions de politesse à la jeune fille, lui remet ses ordonnances et décide de ne rien lui donner pour les poumons. "Et si cela ne s'améliore pas, retournez consulter votre médecin traitant."

Je sais que les urgences sont pour les urgences et qu'en traumatologie, le motif de consultation sera le résumé de la prise en charge.
Je sais que les urgences ne sont pas là pour traiter les bronchites ou les pneumopathies qui vont bien, même si elles surviennent chez des athmatiques.
Je sais qu'il faut que notre examen clinique et notre interrogatoire soient chrono car il y a toute une file de patients "urgents" derrière qui attendent pour un soin de seconde ligne et non pas une prise en charge primaire de médecine générale.

Cependant, cette fois-ci j'ai trouvé un déséquilibre d'athme et une petite pneumopathie sur un traumatisme de cheville.
Et si, à force "d'optimisation" et de PQTPAN mal placé me prodiguant des radios dont je ne saurais que faire, je passais à côté de choses bien plus importantes ? Et si j'en oubliais les petites questions simples qui mènent aux problèmes sous-jacents en cours?
A quand l'ostéoporose carabinée pour la simple fracture, à quand la métastase mal placée pour la lombosciatique, à quand le mélanome évolutif lors de la consultation pour la tension artérielle ?

Je sais que nous ne sommes pas omniscients, qu'il existe un temps pour chaque chose et qu'éventuellement, chaque chose sera (peut-être) faite en son temps.

Mais ce n'est pas facile de renoncer. Pas encore.
Je veux croire encore un peu au "scanner approfondi" d'une consultation standard. Je ne peux pas encore accepter le compromis visant à laisser un certain nombre de pathologies non traitées dans la nature juste parceque les patients n'ont rien mentionné ou que leur médecin n'a rien cherché lors de leurs multiples "consultations de routine".

Utopie, me voici.

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